Partir

Dans cette chambre  était né mon grand-père en 1911. Quand on en admire la vue aujourd’hui, on est en droit de se demander pourquoi il est parti. Pourquoi partir quand on est heureux, pourquoi quitter un paradis pour un autre, pourquoi faire ce chemin qui nous attriste et dont le retour est souvent trop provisoire, pourquoi vivre toute une vie à attendre la retraite pour « rentrer ». Une fois au pays il racontait les parties de chasse au sanglier avec son père dans cet autre pays ou il avait été si heureux au loin tout en m’assurant que le bonheur était bien ici ou nous étions. Le goût de l’aventure l’ambition l’amour le devoir chacun sa vérité, chacun sa raison de partir et chacun ses entraves au retour. Quand on part on travaille on vit et si on a la chance d’être tombé dans un autre paradis, on y aime. S’ensuit inévitablement la naissance d’un nouvel attachement qui à chaque « retour » devient à son tour un regret, un manque nouveau. La diaspora et son sentiment d’exil se transmettent de génération en génération avec le même amour au goût amer.

Viggianello, 2014

Autre façon de partir.
« S’il m’arrive encore de m’étrangler de larmes à leur souvenir, souvent lorsque la situation est comique j’entends l’écho d’une autre voix que la mienne qui rit avec moi, quand un refrain passe à la radio une autre voix que la mienne couvre le son. Ceux qui ne sont plus ne nous quittent jamais vraiment. « 

Cimetière de Ghisoni janvier 2018